Trois pas avec une jeune femme inconnue dans la rue Bayard à Grenoble. Cette trilogie photographique en trois pas est une sorte de sérendipité, pour utiliser un mot à la mode. Parti un matin caniculaire, pour faire des photos de rue dans Grenoble, mon chemin a croisé celui de cette jeune femme. Avec bonheur !
Sur la trace de Marcel Proust
J’aime particulièrement la sensation de mystère. Cette rencontre avec moi-même procurée une silhouette féminine inconnue de dos. Je pense que chaque homme a sans doute connu cette sensation. Ce sentiment qu’elle est une femme mais que dans ce cas, elle symbolise LA Femme. La femme universelle, intemporelle, rêvée et même fantasmée. L’espérance d’une femme qui n’existe pas…
J’emboîte le pas d’une jeune femme dans la rue et me voilà transposé dans les pas de Marcel Proust.
Des bruits de pas féminins
Je photographiais des magasins fermés pour congé, dans le cadre d’une série que j’avais en tête. J’entendis soudain des bruits de pas féminins en même temps qu’une voix féminine parlait. Une jeune femme passait sur le trottoir d’en face. Elle était engagée dans une conversation animée au téléphone.
Les rues vides de Grenoble harassées de chaleur commençaient à me lasser. J’ai immédiatement décidé de traverser pour la suivre avec l’idée de la photographier de dos. Une pensée amusée m’a alors traversé l’esprit. Je me retrouvais dans la même situation que deux ans et demi plus tôt. A seulement quelques rues de là, j’avais photographié mon inconnue de Grenoble.
Ethique photographique
Pour tout vous dire, j’étais un peu gêné de ce que je faisais. J’étais partagé entre deux pensées : photographier les femmes à leur insu est contraire à mes principes mais photographier une femme de façon anonyme ne lui cause aucun préjudice. C’est d’autant plus vrai que mon intention n’était pas de lui nuire. Ma démarche intègre toujours un total respect des femmes.
Savoir régler rapidement son appareil photo
Occupée au téléphone et seulement croisée dans la rue, je ne pouvais pas lui demander son autorisation pour la photographier. La situation était momentanée et un accord de sa part aurait fait perdre toute spontanéité. L’intérêt était dans la véracité de cet instant. Sa conversation au téléphone accaparait tellement son attention qu’elle n’entendait pas les déclics qui s’enchaînaient derrière elle. Pris un peu au dépourvu, mon appareil photo était réglé pour de la photo de rue et équipé d’un objectif 16-35 mm. Ce n’est pas l’idéal pour photographier une personne.
Tout en traversant, j’ai rapidement modifié mes réglages et calé mon objectif au 35 mm. Je me suis rapproché d’elle pour évaluer le rendu dans le viseur. Mon optique cadrait large mais l’image était correcte. J’ai cherché la bonne exposition et j’ai fait une mise au point approximative. J’ai ensuite pris une succession de photos sans trop réfléchir. La réussite de telles photos est très aléatoire. Elle réside dans le nombre de photos prises, compte-tenu des conditions difficiles. Parfois, on n’en sort aucune photo exploitable.
Serial téléphoneuse
Epilogue de cette matinée. Parti en virée photographique dans le centre-ville de Grenoble, j’ai fait ma première photo de cette jeune femme à 11h37. Un moment après, alors que mon circuit se terminait et que mon estomac réclamait, j’ai pris la route de retour. Alors que je prenais quelques dernières photos, j’ai eu la surprise de voir une silhouette. Elle était encore une fois sur le trottoir d’en face… et toujours en grande conversation au téléphone. Il était autour de 12h15. J’ai souri. C’était manifestement une accro du téléphone.
Cette fois, mon envie de photo s’était tarie. Il commençait vraiment à faire trop chaud. Je suis rentré rejoindre les deux femmes qui m’attendaient.